Rectangle blanc sur fond noir
Drapeau blanc sur fond d’histoire
Un drapeau blanc flotte sur la ville. L’espace d’un instant, l’artiste Georges-Pascal Ricordeau installe une parenthèse blanche faîte de lien et de générosité. Une trêve d’émotion et de plaisir…Pax Humana
Après avoir fait voyager autour du monde ce « Drapeau Blanc », tel une flamme de paix, tel un espoir nomade, et traverser certaines places emblématiques des grandes villes (Tien’ an men, la place Rouge) dans les mains de l’actrice américaine Daryl Hannah, l’artiste Georges-Pascal Ricordeau en propose une version monumentale hissée dans la cour de l’Hôtel Lamoignon, accompagné en écho d’un crâne de grande dimension.
Un drapeau blanc qui flotte est comme un vent de paix visible. Une paix humaine.
Signe de ralliement, tel un if, une question ouverte, un « si c’était autrement… », le drapeau blanc, l’ancien emblème de la France, évoque à la fois le désir de cesser le feu des images, des violences, des conflits et le souhait d’une humanité plus encline aux liens et aux partages. Ce pavillon blanc avec son crâne comme une ombre portée symbolique devient le temps d’une nuit la bannière des utopistes rêvant d’un monde plus libre et d’un humanisme retrouvé, en guerre contre la guerre et en paix avec la paix.
Rappelons-nous des mots d’André Breton expliquant la politique dadaïste pendant la première guerre mondiale alors qu’ils s’installaient à Zurich au sein du Cabaret Voltaire pour une révolution des regards : En temps de guerre, la paix à tout prix. En temps de paix, la guerre à tout prix. Ce drapeau n’a rien de naïf et ne verse pas dans l’angélisme. Il souhaite juste réunir, relier, faire vibrer le désir d’une humanité moins habitée par la haine et la destruction. C’est un rectangle blanc sur fond noir.
Le drapeau blanc de Ricordeau agit donc comme un miroir des espoirs du monde fait de ces sacs plastiques tressés issus de toutes les cultures qu’il a rencontré à travers ses nombreux voyages.
Si « le blanc agit sur notre âme comme un silence », comme le souligne Vassily Kandinsky, le drapeau blanc peut en effet signifier un silence visuel positif, constitué optiquement par l’ensemble des couleurs, tel un phare futur, lumineux dans la nuit, qui permettrait d’éviter les dérives négatives des hommes, et les dangers de la guerre, des violences permanentes, des désastres écologiques.Histoires multiples et Monde tressé
Georges-Pascal Ricordeau s’est emparé de la tresse à l’aube des années 2000. Objet absolu, fini et infini, l’esthétique de la tresse de l’artiste nous lie et nous transporte vers un ailleurs qui nous relie au rythme de ses réalisations. L’installation de ce drapeau blanc et de ce crâne au cœur de la ville de Paris poursuit cette démarche de générer des liens.
Le choix de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, première bibliothèque publique municipale ouverte en 1761, n’est pas innocent. Les livres dans les bibliothèques comme les événements d’une vie se tissent comme les sacs plastiques de Ricordeau. Une pensée complexe se crée à partir de tous ces fragments qui nous constituent. Le drapeau blanc lui aussi est tressé d’histoires multiples, de rencontres, de situations, d’expériences singulières. C’est la question du temps, du passé, du présent et du futur, que nous dévoile au final ce drapeau et ce crâne.
Le choix des sacs plastiques est un acte politique qui interroge le rapport des hommes avec la production industrielle qui polluent les environnements. Ces sacs sont des dangers pour la biodiversité animale notamment dans les mers et les océans où ils créent des ravages sur la faune et la flore. Ce drapeau blanc de 20 m2 est réalisé à l’aide de ces sacs en polyéthylène d’origine pétrolière qui ne peuvent pas se biodégrader dans la nature, récoltés dans les différents pays que l’artiste a parcouru. Ces points noirs de l’écologie moderne, Georges-Pascal Ricordeau les détournent de leur fonction de rebut plastique. L’artiste s’implique dans une éthique du développement durable du déchet et sublime cette matière plastique en proposant des installations esthétiques.Souffle léger et Vanité éphémère
Ici le drapeau, là le crâne : L’artiste dissocie à l’instar du drapeau noir et blanc des pirates, la bannière de la paix et l’idée de la mort. La paix et la guerre. La vie et la mort. Médiations sur les contraires, sur les vanités de la vie. Cette installation éphémère, le temps d’une nuit, est un espace de pensée sur ce qui anime profondément les hommes, un memento mori réinventé, une vanité du XXIème siècle.
Dans le texte de l’Ecclésiaste, un livre de l’Ancien Testament on peut lire : « הֲבֵל הֲבָלִים הַכֹּל הָֽבֶל » (« vanité des vanités, tout est vanité »). Le terme traduit par « vanité » signifie littéralement en hébreu « souffle léger, vapeur éphémère ». Georges-Pascal Ricordeau avec son dispositif interroge la condition humaine avec un souffle léger (le drapeau blanc) et une vanité éphémère (le crâne).
Le blanc revêt plusieurs significations selon les cultures. Symbole de pureté en occident, elle peut devenir le symbole du deuil en orient notamment en Chine. C’est à la fois la robe de mariée et le linceul, la fraîcheur et la pâleur, le rayonnement et la peur, l’idéal et le spleen, l’espoir et l’angoisse de la page blanche ! Jouant de la contradiction, l’installation de Georges-Pascal Ricordeau est dans le même temps une œuvre minimaliste et baroque. Elle peut évoquer dans des voies différentes les monochromes de Robert Ryman tel Untiled de 1974, un mince film de PVC laqué en blanc, et la Vanité de Philippe de Champaigne montrant un crâne regardant le voyant. La surface blanche flottante dans l’air de Paris est l’espace de toutes les projections, l’écran blanc de notre cinéma intérieur, de notre pensée profonde sur le monde des humains.
Après le révolver noué de l’O.N.U. à New York, Ricordeau propose un vaste et aérien drapeau, un symbole nomade de la paix qu’il place en beauté dans le vent des nuits blanches de Paris.Artistes muciciens invités :
Les musiciens Carol Robinson et Steve Shehan viendront jouer durant toute la Nuit Blanche sous l’égide du Drapeau Blanc et le regard plastique de la Tête de Mort…